2019 ~ 2021 | Musique et astrophysique

Depuis sa première performance réalisée dans le jardin médiéval de Montoir de Bretagne, l’ensemble InSitu développe une poétique musicale inspirée des lieux et des personnalités croisées au fil de son parcours. Sa recherche sonore s’appuie sur la coïncidence d’expressions individuelles singulières et s’organise autour de trois notions aussi fondamentales qu’interconnectées : le mouvement, l’espace et le temps. Visitant le proche, interrogeant le lointain, invitant l’imaginaire à se projeter dans l’hier ou vers le demain, à s’étirer de bribes d’instant en volutes d’éternité, elle convoque la pensée pour un voyage de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

La rencontre avec l’astrophysicien Pierre Hily-Blant ouvre un nouveau champ d’investigation et réunit deux disciplines qui entretiennent depuis bien longtemps d’intimes relations.
De l’harmonie des sphères des pythagoriciens aux Canyons aux Etoiles d’Olivier Messiaen, de la musique céleste de Johannes Kepler à la découverte des vibrations acoustiques du soleil, le monde de la musique et celui de l’astronomie sont animés par de nombreuses motivations communes face aux phénomènes naturels : émerveillement, étonnement, intuitions, perceptions sensorielles, manipulations, expériences, stimulations de l’imaginaire et de la créativité, formulations d’hypothèses, stupeurs causées par les illusions visuelles ou auditives, spéculations de l’esprit, calculs scientifiques, observations, vérifications, confirmations, etc. La complexité des mécanismes en action dans l’immensité du cosmos comme dans les vibrations sonores les plus familières oblige le scientifique autant que le musicien, bien que la posture initiale de chacun soit fondamentalement différente, à d’incessants trajets entre sensation et compréhension.

Dans le domaine de la science comme dans le domaine de l’art, comprendre peut aider à mieux ressentir et ressentir peut aider à mieux comprendre.

Le domaine d’étude de Pierre Hily-Blant se concentre sur deux questions principales : les origines des systèmes planétaires d’une part et les conditions d’apparition de la vie d’autre part. Il réalise des cartographies de nuages moléculaires, zones de notre galaxie au sein desquelles de nouvelles étoiles comme le soleil, et donc potentiellement des planètes tournant autour, sont en cours de formation. Il traque principalement les particules nécessaires à l’apparition de la vie, en observant les ondes émises lors de leur rapprochement ou de leur éloignement à travers ces espaces de turbulence. Les fréquences captées par le télescope peuvent être converties en fréquences sonores audibles par l’oreille humaine, dans un processus appelé sonification.

De l’apparition de ce nouveau matériau musical naît l’idée d’en confier l’exploitation au compositeur Karl Naegelen, avec qui l’ensemble InSitu a déjà collaboré pour la création Un chant obscur.

L’enjeu est double : pour les musiciens, la création d’une nouvelle œuvre, et pour l’astrophysicien, une représentation musicale d’un objet d’étude dont les technologies actuelles permettent difficilement une observation complète. Il est en effet facile de se représenter un système planétaire avec son étoile et ses planètes en révolution autour, mais construire une image mentale d’un nuage moléculaire nécessite un important effort d’imagination. C’est pourquoi le traitement artistique - ici musical - des données disponibles est un moyen de bousculer un imaginaire construit tout au long de nombreuses années d’étude, et peut-être d’arriver ainsi à formuler de nouvelles hypothèses ou d’aboutir à de nouvelles conclusions.

De cette rencontre et de ces processus d’écriture naîtront plusieurs formes : concert destiné à être joué en salle, promenade musicale nocturne, conférence...