Les Tricoteuses

Trio d’improvisatrices, Sophie Agnel au piano, Anne-Julie Rollet au revox et dispositif électroacoustique et Yuko Oshima à la batterie interrogent la place des femmes entre création artistique et maternité.
« Faire de la musique ensemble, improviser, chercher, inventer, avec comme toile de fond ou plutôt comme racine, l’expérience de la mère. Parler de ces expériences et ensuite, se retrouver pour jouer. Enregistrer des conversations et les rejouer in situ. Cette “matière-parole de femmes” très poétique donne une couleur particulière à la musique, le sens devient musical et abstrait, et le son fait sens. » Sophie Agnel

Note d'intention de Sophie Agnel

« Trois femmes, trois mères, trois artistes, trois musiciennes
C’est ce que nous sommes.
Et bien plus encore.

Mère et artiste, nous en avons l’expérience
J’en ai l’expérience.
J’ai fait des rêves extraordinaires d’origine du monde, de matrice, de matière, d’univers lorsque j’étais enceinte.
J’ai fait des concerts extraordinaires lorsque j’étais enceinte.
J’ai eu des peurs extraordinaires lorsque j’étais enceinte.

Que sera ma vie de musicienne, de femme lorsque je ne pourrais plus transporter mon enfant dans mon ventre ?
Est-ce que ma musique va changer ?
Est-ce que les organisateurs, presque tous des hommes, vont m’oublier ?
Est-ce que je vais avoir envie de partir de chez moi à nouveau ?
Est ce qu’il va me rester du temps pour moi ?
Est-ce que je vais réussir à sauter du coq à l’âne sans arrêt ?
Est-ce que si je l’allaite juste avant de jouer dans les loges, je vais avoir de l’énergie pour le concert ?
Est-ce que….

Et j’ai vécu vingt ans, sur les routes et chez moi, à essayer d’inventer une vie qui à l’époque ne croulait pas sous les modèles, pleine de contradictions, de frottements, d’ambivalence, d’organisation particulière dont personne ne parle jamais.
Tous ces sentiments que les hommes n’ont pas. Et que les non-mères ne vivent pas.

Faire de la musique ensemble, improviser, chercher, inventer, avec comme toile de fond ou plutôt comme racine l’expérience de la mère. Parler de ces expériences et ensuite, se retrouver pour jouer. La musique est chargée de nos vies bien sûr. Mais elle se charge en plus de nos discussions sur ce sujet. La force, la brutalité, la sensibilité, la difficulté, la joie, l’empêchement, l’ambivalence… autant de sujets qui influencent notre écoute et notre jeu musical.

Lors de notre première résidence, nous avons inventé un dispositif qui nous permette de jouer avec une matière de paroles faite à partir d’enregistrements de conversations entre femmes sur le sujet de la maternité. (...) Ces enregistrements sont devenus une matière que nous utilisons en improvisant avec nos instruments… (...) Cette « matière parole de femmes » très poétique, dont on comprend très bien le sens, donne une couleur particulière à la musique, le sens deviens musical et abstrait, et le son, l’improvisation devient sens.(...)

Je cherche aussi à écrire un texte sur ces expériences de vie, un texte moins concret, pour parler aussi du vivant, de cette énergie qu’être mère permet d’avoir, tiré de mon expérience personnelle.
Ce texte serait dit (par moi) pendant le concert, une autre parole, plus souterraine. »
Sophie Agnel, février 2024