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La matérialisation de la pensée à la Joliverie

« Si les objets parlaient, peut-être qu’ils raconteraient cela ». Une hypothèse utopique qui laisse pourtant deviner que quelque chose se prépare. Et si les élèves leur donnaient la parole le temps d’une expérience ?

Robe « seconde peau », le lotus, la fleur de mémoire ou encore la montre « 123 », pas facile de comprendre de quoi il s’agit au premier abord. Ces objets aux noms plus au moins évocateurs sont à l’origine des théories et des observations scientifiques qui animent les ateliers de la Joliverie. Le matériel et l’immatériel, quelle est la limite ?

Imaginons que ces objets puissent exprimer leurs pensées, cela vaut la peine d’y croire un instant. Et si la pensée de l’objet se liait à la nôtre, celle qui « nous fait remarquer des choses que l’on peut voir mais auxquelles on ne pense pas », qu’adviendrait-il de nos gestes et de notre rapport au corps ? Comment matérialiser toutes ces activités d’esprit qui ne se voient pas mais qui existent ? « Ondule, s’affole, jusqu’à, se briser, sa tête, chute […] le corps devenu, ligne rompue », accordant chaque réplique à un fait et geste, les élèves s’adonnent à toutes sortes de tentatives, mais concrétiser une pensée ce n’est pas chose facile ! L’important n’est pas tant de comprendre ce qu’ils sont en train de faire, mais la sensation singulière qu’ils transmettent au public.

On s’imagine finalement que les pensées, « volent, se brassent, et viennent de partout » ; qu’elles tournent et tournent encore comme emportées dans un tourbillon de folie. Attention de ne pas s’égarer tout de même.

Atelier du 4 avril au Lycée de la Joliverie

Rédaction : Emmanuelle Bézières

Matière-Immatériel, La Joliverie, Pôle des Arts.

 

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Le projet avance. Les élèves réalisent petit à petit les liens qui se tissent entre les différents intervenants, et le projet d’imaginer des objets du futur.

Jean-Luc Raharimana et les ateliers d’écriture, les rencontres avec Chris Ewels et la visite dernière de l’IMN, les interventions d’Élisabeth, nourrissent l’ensemble de cette démarche de projet pluridisciplinaire où chacun apporte sa touche, avec des temporalités et des  rythmes différents.

Les textes prennent corps depuis la mise en bouche vers une mise en espace. Les projets de chacun des groupes autour de objets du futur s’étoffent. Chacun se projète davantage dans ce « plus tard » avec moins d’appréhension.

Atelier au Lycée de la Joliverie : « Souvenir arc-en-ciel que le soleil ignore »

Quand l’auteur Jean-Luc Raharimanana invite les lycéens de la Joliverie à s’ouvrir à la création, tout est beauté, tout est inspiration. D’un reflet, l’œuvre naît.

Que voit l’artiste ?

Très jeune, Jean-Luc R. écrivait déjà. Au cœur de la grande île, Madagascar, sa terre natale, chaque chose, la plus infime, passait sous sa plume pour se traduire en mots, en phrases, en récits. La passion pour les histoires le brûlait et Jean-Luc R. se perfectionnait en écrivant. Était-il un artiste ? À la fin des années 80, sous la dictature de son pays où pauvreté sévit, toute création était sous surveillance. Liberté réduite mais passion grandissante, textes et poèmes de Jean-Luc R. affluèrent sous sa plume. « J’écrivais ce que la plupart des gens ne voulaient pas voir ». La misère. L’art pour dénoncer ? Que représenter de notre réalité lorsque l’on est artiste ? Nos regards prennent position et pourquoi écrire plutôt que d’agir ? Les yeux voient tout mais notre cerveau choisit de voir ou de ne pas voir. « J’ai accepté de voir des choses qui ne sont pas belles, car ma conscience n’était pas tranquille. » L’auteur questionne : « Quelle est la puissance de l’œuvre pour prétendre à changer les choses, une situation extrême, la pauvreté ? ». La distanciation est évidente, l’auteur montre et décrit, il n’a pas le pouvoir d’agir sur ce qu’il voit et retranscrit. C’est une autre histoire, hors de tout acte de création.

Ceci n’est pas un tableau…

« Voyez-vous le tableau devant vous ? » demande Jean-Luc R.. Bien sûr, ils le voient tous, mais chacun à sa manière. Les descriptions diffèrent. Points de vue, nuages et soleil font varier les impressions et tous ont raison ! Colonnes d’ombres, reflets zébrés, « Chacun voit ce qu’il veut », rappelle l’artiste. La subjectivité prend le dessus, les reflets deviennent peu à peu des mots que l’on immortalise sur feuille et la poésie pose ses ailes sur les auteurs apprentis. Puis les premières phrases jetées s’embellissent, on les travaille jusqu’à y trouver une sonorité, une esthétique particulière, un refrain jusqu’à ne plus vouloir être retouchées. Quand l’œuvre dit stop, il faut pouvoir l’entendre, au risque de lui ajouter ce détail qui la gâche. Mais tout est beauté, tout est inspiration, il suffit de s’en saisir et de sortir de la réalité pour que notre âme la traduise. Silence. Lecture. Elle, au deuxième rang, a bien vu que ceci n’était pas un tableau mais « Un souvenir arc-en-ciel que le soleil ignore ».

Rédaction : Gina Di Orio